CDC / CDG qui n'ont pas besoin d'un topic approprié ^^

Après une sortie, on se ramène chez nous en milieu de soirée. Un peu tôt pour se coucher, j'allume la télé, naïvement. Je zappe presque mécaniquement et je tombe sur une émission sur ce qui semble être un hôpital. La miss me dit de laisser deux secondes pour voir sur quoi c'est. Je regarde l'info "Baby Boom à "chezpasoùcest", première maternité d'île-de-france". Mouais... bon.
Pas le temps de réaliser l'erreur monumentale que je viens de commettre que déjà des cris effroyables retentissent (tellement effroyables et sonores que je baisse le volume pour les voisins). C'est une femme qui erre dans les couloirs. On ressent presque sa douleur tellement ses cris sont horribles.
Des portes s'ouvrent et des bonnes femmes viennent voir ce qui se passe. Zut alors ! Une femme enceinte dans la maternité ! Qui l'eut cru... Les femmes se décident à appeler du renfort. D'autres femmes arrivent en courant dans une belle confusion, en n'oubliant pas d'enfiler une blouse couleur pastel (c'est plus présentable). C'est maintenant un joyeux troupeau qui circule dans les couloirs. la plupart des femmes ont l'air presque aussi effrayées que la femme enceinte elle-même. Je m'attends presque à voir un médecin ou une sage-femme sortir une check-list ou une version papier de la procédure à appliquer en cas d'accouchement. Première maternité d'île-de-france ? On se croirait plutôt sur le plateau du Larzac. D'ailleurs, la ressemblance ne s'arrête pas là...    

Nous voilà enfin dans la salle d'accouchement. Le mari a rejoint sa douce ou du moins ce qui l'en reste. La jeune femme n'est en effet plus que l'ombre d'elle-même. Ses cris stridents (et très pénibles) continuent de plus belle mais on l'a installée sur la fameuse chaise de torture, tout droit importée de Guantanamo. Plans larges aériens et plans resserrés sur son visage grimaçant se succèdent à un bon rythme. Le réalisateur est sacrément inspiré. Entre deux cessions de cris étourdissants, on lui prodigue les conseils essentiels pour gagner la bataille, qui s'annonce longue et rude.

Dans une salle d'accouchement adjacente, une autre jeune femme attend patiemment et calmement en compagnie de son ami/mari. En réaction aux cris quasi animaliers tout proches, la jeune effrontée et son acolyte hésitent entre plaisanteries pour se rassurer... et frayeur.

Mais voilà que le combat touche déjà à sa fin. Les cris ont cessé et le rejeton est rejeté. Quel soulagement pour tout le monde !

Malheureusement tout ceci n'était que le prélude à d'autres démonstrations du même type !!

C'est désormais au tour de l'effrontée d'assumer ses actes passés. Le réalisateur, décidément au sommet de son art, réutilise les mêmes procédés: Larges plans aériens de la salle d'accouchement pour profiter de la scène dans son ensemble et plans resserrés sur le visage de madame pour accroître la tension de l'assistance, à coup sûr médusée par une technique aussi originale.
Ca y est, la jeune femme ne fait plus la maline: des gémissements se font entendre et le visage se tend progressivement. On a clairement abordé la plus grosse difficulté de l'étape. Mais tel un Lance Armstrong, dans ses meilleures années au pied du Galibier, la belle ne s'en laisse pas compter et entend bien soulever le trophée tant convoité au bout de la course.
Frénétiquement, le réalisateur opère des changements d'angle. On en a le souffle coupé. Désormais le corps à l'image est presque désincarné. Le blanc et le pastel des blouses devient de plus en plus envahissant. Semblant être fixée au plafond, la caméra nous offre des images pathétiques. Le mari, inerte et les bras le long du corps, hésite entre gestes tendres vers sa dulcinée et quelques pas de recul pour faire le point et assister à ce que le destin a décidé pour lui.
Ca y est, la jeune femme est presque en transe. Le réalisateur aussi et son but est sur le point d'être atteint.

Soudain, au milieu de cette horreur visuelle et sonore, une sage-femme signifie à la future mère que le bébé est dans une position très inconfortable pour lui et qu'il va falloir agir. Nous y sommes, l'horreur visuelle est en train de devenir psychologique. Va-t-on réellement assister à un drame ?

Immédiatement, la même jolie jeune femme quelques jours plus tard, maquillée et coiffée version Saint Algue: "A ce moment-là, j'ai commencé à avoir peur et je m'en voulais, je pensais que c'était ma faute si les choses ne se passaient pas bien pour le bébé", nous lance-t-elle avec un petit sourire en coin. Ok, c'est une émission sur la TNT à une heure de grande écoute. Ca s'est donc bien fini ! Ouf !  

Pour autant, c'était loin d'être fini pour nous. Après cette petite parenthèse humaine et rassurante, retour vif et brutal au documentaire animalier. La bête gît toujours au même endroit. Les râles sont de moins en moins espacés. Grâce aux angles toujours bien choisis et une mise en scène très étudiée, ce corps en souffrance est à la fois pathétique et attendrissant, l'analogie avec une vache en train de mettre bas est pour ainsi dire inévitable pour tout esprit conventionnel. Avec les quatre fers en l'air et le téton droit se faisant un peu plus la malle à chaque mouvement, la scène a de quoi marquer les élèves, anciens ou à venir, de cette professeur des écoles trentenaire.

Mais c'est là qu'enfin le petit est expulsé. Loin de la naïveté des séries américaines où le rejeton est présenté tout propre et coiffé avec la raie sur le côté, là c'est du bio, du 100% naturel, sans additif ni colorant. Enfin celui-là est quand même apparu bleu violacé, le sang de sa mère plein la crâne et la figure, et le corps luisant de diverses substances plus ou moins translucides. Un truc pas possible, plus jamais vu depuis Total Recall en 90.
Ca y est, le réalisateur s'est décidé à rendre son humanité à cette femme, officiellement maman. Elle reçoit un câlin bien mérité de son mari tandis qu'une sage-femme (certainement bretonne d'origine) coiffe curieusement le bébé d'un bonnet.
Nous n'en verrons heureusement pas plus de ces jeunes parents mais l'indécence a déjà fait son oeuvre.

Tout cela a duré moins de 5 minutes montre en main mais je suis épuisé et en nage. Des mots veulent sortir mais, dans l'incapacité immédiate d'en faire une phrase intelligible, je garde la bouche fermée. Ma femme, jusqu'alors debout, décide de s'asseoir pour regarder la suite... Pour ma part, je décide de me coucher plus tôt que prévu. Hors de question d'être à nouveau complice de ce programme dégradant, déshumanisant et faisant passer Secret Story pour une saine et sérieuse étude anthropologique pour scientifiques avertis.
Parler d'accouchement, oui, mais sans voyeurisme svp. C'est sans doute trop demander à NT1.